APPEL POUR UNE ÉCOLOGIE CULTURELLE
Appel publié dans Le Monde le 30/09/2022
L’époque nous dicte la sobriété : notre société entre dans la « fin de l'abondance » et « d'une forme d'insouciance ». Face aux nouveaux périls de la sécheresse, des incendies et de la guerre en Ukraine, il est demandé aux Français des « efforts, des sacrifices ». Politiques, entreprises, modes de vies... la planète brûle d'une inaction partagée, mais la protection de l'environnement se teinte désormais d'une gravité reportée aussi sur les citoyens, au travers notamment de leur consommation énergétique.
La vision des flammes tout l’été sur les chaînes d’info, les coupures d’eau, les factures d’électricité qui explosent ont provoqué une prise de conscience collective. Cela ne doit pas rester sans suite. L’Ecologie ne peut plus être perçue comme un objet de clivage intergénérationnel ou social, elle doit au contraire nous réunir.
Aujourd’hui, c’est l’heure de faire un pas de côté : la politique et la science ne suffisent pas seules à initier un mouvement qui rassemble autour de l’écologie.
Sortir de l’ornière de la fatalité
Dans ces circonstances, l'Écologie culturelle a une ambition : être un antidote à l’anxiété, à la solitude, à la colère et à l’impuissance. Son remède : un engagement écologique qui fait de la préservation de la planète une pulsion d’espoir, un horizon désirable, joyeux, heureux.
Nous proposons d’associer l’art et l’écologie, pour sortir de l’ornière de la fatalité et redécouvrir l’intimité qui nous reliait à l’environnement, au vivant. Avec une évidence : quand un système se meurt, créer permet l’avènement d’un nouvel élan. Mobilisation d’idées, de nouvelles valeurs et création artistique ont été de tous temps intimement mêlées. L’écologie n’y fera pas exception.
Aux militants de la première heure ou du dernier recours. Aux habitants des territoires. À la jeunesse révoltée et attristée. À toutes, à tous, nous en sommes convaincus : l’écologie ne peut être une ode à la mélancolie, à la résignation et à la mort des idéaux. En particulier quand les temps sont difficiles.
Nous proposons une fabrique collective du désir d’écologie.
En s’inspirant de l’art et de sa méthode : la création artistique, qui est aux sources de notre culture, plonge ses racines dans une pulsion de vie fondamentale. C’est le désir d’explorer, de réparer, de partager, d’embellir.
La culture, comme l’écologie, est notre affaire à tous car l’imagination et la nature sont des biens communs fondamentaux. La culture, ce n’est pas que l’art répertorié. C’est aussi les racines d’une société, ses désirs et ses aspirations, en somme sa destinée. Il ne peut y avoir de société en bonne santé sans un socle culturel commun. Or, en ayant négligé la dimension écologique de notre héritage culturel, l’histoire partagée qui nous reliait à nos milieux, nous ne bénéficions pas de tous les bons outils pour surmonter la crise.
Nous appelons donc aujourd’hui les acteurs de la culture, des associations de protection de la nature, de l’écologie à nous rejoindre, pour proposer ensemble une déclinaison concrète à cette nouvelle culture écologique. Éducation artistique, scolaire, populaire et républicaine : il nous faut décloisonner l’écologie de son berceau initial, pour permettre plus largement à nos enfants, aux parents, à nos grands-parents de s’en emparer dans leur vie au quotidien.
Penser le désir collectif d’écologie, c’est aussi prendre en compte les résistances qui existent encore fortement dans notre société pour opérer la transition. Il faut tendre l’oreille, aller à la rencontre et rassurer. Quand l’impression de nouveauté s’éloigne, la résistance aux changements s’estompe et elle devient simplement une habitude partagée. L'Écologie culturelle allie à la fois ancrage et innovation, permanence comme évolution.
Origine commune et authenticité
Nous tenons ici à affirmer la dimension territoriale de l’Ecologie culturelle. À l’heure où le national-populisme vise à s’emparer des notions de racines, nous plaidons au contraire pour faire du rapport au vivant le socle d’une nouvelle identité écologique française.
Le rapport à la Nature, c’est avant toute chose un rapport à la Terre. Nos anciens ont connu un monde où le particularisme de leur territoire allait de pair avec le respect des cycles du vivant. Nous pouvons nous en inspirer. Beaucoup aujourd’hui - au sein de la jeunesse notamment - plaident pour un retour aux sources : une quête de sens, de sentiment d’appartenance, d’origine commune, d’authenticité aussi, au lieu des artefacts.
Pour ce faire, allons plus loin ! Nous voulons créer une culture écologique collective qui se diffuserait à l’ensemble de la société grâce à l’éducation et à l’art. Ils sont inséparables du nouveau contrat social qui nous rassemblera. Comment les citoyens pourraient-ils préserver leur planète s’ils ne disposent pas d’une culture écologique minimale ? Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Jules Michelet (1798-1874), Victor Hugo (1802-1885) ou George Sand (1804-1876) étaient des écologistes de la première heure, aux bases des valeurs fondatrices de notre société ; l’a-t-on oublié? Qui sait aussi expliquer précisément ce que signifient la fin de l’abondance ou encore la sobriété énergétique ?
Nous proposons une société écologique, et non pas une politique écologique. Partir des gens pour élaborer un nouveau contrat social avec la nature.
Poésie, partage, joie
Nous disons aux artistes et aux artisans : rejoignez notre mouvement de l’Écologie culturelle. Pour mettre l’art au service de l’écologie et de sa diffusion dans la société.
Aux enseignants, initiez les nouvelles générations à collaborer avec le vivant.
Aux écologistes historiques ou novices, aidez-nous à bâtir une écologie qui touche au cœur.
À toutes celles et ceux qui trouveront un écho dans notre démarche, nous disons : « Vous n’êtes pas seuls. » La lutte pour la préservation de la planète ne condamne pas à la dépression : inventons ensemble.
Enfin, toute nouvelle culture résulte d’un nouvel état d’esprit. Nous élaborons une nouvelle philosophie de l’engagement autour de la poésie, du partage et de la joie. Avec la fierté d’essayer de résoudre les problèmes du monde, comme nos ancêtres l’ont fait avant nous. Pour ce faire, créons des Maisons de l’Écologie culturelle, comme André Malraux (1901-1976), en sont temps, a créé les Maisons de la culture. Elles compléteront la dynamique des maisons de la Nature. Hébergeons ceux qui veulent planter les graines de l’économie naturelle. Spectacles, livres, formations universitaires : multiplions les formats hybrides susceptibles de transmettre l’écologie sensible.
Un évènement allant dans ce sens se tiendra à Caen le 20 octobre, où nous inaugurerons un cursus d'Écologie culturelle dans le premier Campus d’Institut d’Études Politiques entièrement consacré aux transitions. Car la hauteur de la cime d’un arbre est proportionnelle à la profondeur de ses racines.
Auteurs
Patrick Scheyder - pianiste, auteur, concepteur de spectacles
Pierre Gilbert - prospectiviste, auteur
Nicolas Escach - directeur du campus des transitions (Sciences Po Rennes, Caen)
Ariane Ahmadi - Experte en communication
Signataires
Marie-France Barrier - Présidente de l’association Des Enfants et des Arbres
Clotilde Bato - Présidente de l’association Notre Affaire À Tous
Adrien De Blanzy - Président de L'ADN groupe
Allain Bougrain-Dubourg - Journaliste et auteur
Patrick Boulier - Président de Dieppe-Maritime
Julien Brocard - Directeur Éditions Le Pommier
Rémi Cardon - Sénateur (PS)
Caroline De Chantérac - Directrice des programmes culture de Sparknews
Edouard Civel - 1er Adjoint au Maire, 5e arrondissement de Paris (LMR)
Jeane Clesse - Fondatrice du podcast Basilic
Boris Cyrulnik – Neurologue, psychanalyste
Amy Dahan - Historienne des sciences
Delphine Darmon - Fondatrice du podcast Demain n’attend pas
Tanguy Descamps - Coauteur de Basculons ! Dans un monde vi(v)able (Actes Sud, 2022)
Maxime Olliver - Coauteur de Basculons ! Dans un monde vi(v)able (Actes Sud, 2022)
Camille Étienne - Militante écologiste
François Gemenne – Géopolitologue
Lauranne Germond – Directrice et cofondatrice. COAL-art et écologie/Les Nuits Des Forêts
Jean-Pierre Goux - Auteur
Quentin Jagorel- Haut Fonctionnaire
Clara James - Youth We Can/ Convergences
Diane Junqua- Directrice de la communication le Clos-Luce
Satish Kumar - Pacifiste et promoteur de la simplicité volontaire en Inde
Mathilde Lamotte d’Argy - Confondatrice de Pluies de Juillet
Elisabeth Laville - Créatrice du cabinet de conseil Utopies
Gabriel Mazzolini - Les Amis De La Terre
Vianney Morain - Activiste - Le Relais Jeunes
Marc Mortelmans - Fondateur de Baleine sous gravillon
Minuit 12 - Collectif danse et artistes
Paula Miquelis - Co-fondatrice du Conscious Festival
Adrien Rivierre - Auteur Convergences
Clément Sapin - Directeur artistique du festival Les Intemporel-les
Heïdi Sevestre- Glaciologue
François Siegel - Directeur de la publication - We Demain
Pascal Signolet- Créateur et délégué général du festival Atmosphères
Guillaume Du Souich - Artiste Plasticien
François Taddei - Biologiste, directeur du Learning Planet Institute
Eleonore Thery - Rédactrice en chef - So Good
Maxime Thuillez - Fondateur et rédacteur en chef - Green letter club
Lucas Veran - Adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine
Matthieu Verry - Vice-président - Écologie Responsable
Hélène Bablon - Facilitatrice d'intelligence collective et de transition écologique
judith Benita - Artisan
Adrien N'Koghe-Mba - Fondateur et président - Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo
Aurelia Bizouard - Artiste en arts visuels & Fondatrice - Kulturelia
George Lepauw - Pianiste
Jeanne Veraldi - Urbaniste et artiste plasticienne
Chameroy Gaspard - Citoyen militant
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