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Une réflexion sur l'Écologie culturelle en Algérie

L’écologie culturelle est invitée du 3 au 10 mai 2023 par l’Institut français d’Algérie à une tournée

dans le cadre des Nuits vertes. Quatre spectacles exceptionnels associant musiques, textes,

conférences et projections. L’occasion de rencontrer à Annaba, Alger, Oran et Tlemcen des

citoyens et artistes engagés pour le climat et de partager avec vous de nouvelles sources

d’inspiration pour conduire ou accompagner les transitions. Suivez chaque jour notre voyage,

nos réflexions et nos découvertes dans notre carnet de bord.



Mercredi 03 mai.


L’attente du départ pour Annaba est propice à une immersion dans les publications récentes

sur la relation des Algériens à leur environnement.


Karim Tedjani est militant écologiste, consultant et conférencier. Il a créé Nouara Algérie,

blog de référence sur l’environnement et est le fondateur du concept de la « Darologie ».

Dans une étude publiée par la fondation Friedrich-Ebert en octobre 2021 intitulée « Le

développement durable en Algérie », il appelle à promouvoir une écologie algérienne.


L’originalité de ses travaux repose sur trois fils directeurs.

Il défend tout d’abord le dépassement du clivage entre modernité et tradition, conservatisme

et progressisme au profit d’une « voie du juste milieu » puisant dans des coutumes ancestrales

nord-africaines adaptées aux sociétés d’aujourd’hui les ressources indispensables au

changement.

« Algérianiser » le développement durable est à la fois pour lui une manière de reconnecter

les Algériens avec leur milieu naturel mais aussi d’ériger l’Algérie, située au carrefour de

plusieurs influences culturelles, en laboratoire d’idées et d’outils pour répondre aux défis

globaux. Il aborde ainsi le rôle des femmes et du « matrimoine » pour cultiver un rapport plus

intime à la nature, évoque la nécessité dans des zones arides de déployer une intelligence de la

collaboration avec le vivant, exhorte à redécouvrir les qualités du palmier dattier ou des

variétés anciennes de blé. La responsabilité environnementale peut quant à elle s’appuyer

pour lui sur la triade Dar-Douar-Dénia. Dar désigne l’intimité partagée avec la famille, les

amis proches, mais aussi l’intimité vécue dans son propre corps. Le concept peut symboliser

une nécessaire révolution intérieure. Douar étend la réflexion à la « collectivité intime », à

« une forme intime de la chose publique » et rappelle l’unité traditionnelle de la tribu

algérienne, le cercle, la grande maison d’une parenté plus étendue. Le Douar est susceptible

dans sa philosophie de bâtir un changement collectif, une démocratie contributive et

participative. Dénia signifie enfin le monde mais aussi la vie (dénia at dor : le monde et la vie

tournent). Le mot révèle une dynamique circulaire et une ouverture sur l’étranger invitant à

chercher le caractère universel des traditions locales.

Dans la dernière partie de son texte, Karim Tedjani nous entraîne dans un jeu d’échelles en

associant le modèle local de l’oasis à l’instauration de nouvelles caravanes. Les oasis, mettant

en œuvre des principes proches de la permaculture et une culture holistique, sont autant

d’écosystèmes locaux qu’il convient de fédérer et de relier par une nouvelle « Route du Sel »

générant de nouveaux échanges et de nouvelles alliances.


L’auteur conclut par une exhortation à une écologie en 3D entre passé-présent et futur : « Plus

que jamais, le développement durable algérien doit s’impliquer dans un travail de médiation

et de réconciliation à la fois original et inventif entre les Algérien.nes, leurs cultures locales

ancestrales ainsi que leur identité nationale et bien entendu l’esprit du Siècle ». C’est « dans la

quête d’un équilibre retrouvé entre sa part d’universalité naturelle et la nature vernaculaire de

ses traditions que la société algérienne pourra enfin rencontrer son authentique voie vers son

développement durable ».


Nicolas Escach et Patrick Scheyder


Pour aller plus loin :


- Karim Tedjani, « Le développement durable en Algérie », Friedrich-Ebert-Stiftung, 2021.

- Entretien avec Karim Tedjani sur la "darologie"

- Le blog de Karim Tedjani : Nouara Algérie

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