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Tribune Marianne - 21/06/2022



Après ce second tour des élections législatives, Patrick Scheyder, Nicolas Escach et Pierre Gilbert, auteurs de « Pour une écologie culturelle » (Le Pommier), expliquent que les responsables politiques doivent changer leur rapport à l'écologie.



On en parle depuis l’Antiquité et elle fait partie de notre héritage culturel. Le bouleversement climatique fait croire à une nouveauté tombée du ciel voici trente ans. Or, toute nouveauté est anxiogène car vectrice d’incertitude : le « nouveau » s’apprécie pour un nouveau téléphone, un nouveau vêtement… Mais au quotidien, la nouveauté, c’est la peur du lendemain ou la perte des acquis.


Replacer l’écologie dans une continuité historique est l’objet de l’écologie culturelle que nous proposons. C’est aussi un enjeu majeur pour gagner le cœur des citoyens, au-delà des discours rationnels ou catastrophistes. En France, Jean-Jacques Rousseau affirme dès 1750 que la nature est bonne, qu’il faut la respecter et s’en inspirer. Cette idée est inscrite dans l’ADN de notre République. D’où viennent les devises de Liberté et d’Égalité ? De la nature : à la naissance nous naissons tous libres et égaux en droit, comme la nature nous a faits. Le droit divin favorisait les uns pour spolier les autres, par une inégalité de principe ; il fut remplacé en France par le droit naturel, une notion indissociable de la République. À l’heure du débat pour une République écologique ou écologiste, relisons attentivement nos Droits de l’homme qui partent de ce socle fécond.


DANS LE SENS DE L’HISTOIRE


Nos plus grands artistes et intellectuels ont fait de l’écologie une priorité. Beaucoup de Français l’ignorent mais George Sand et les peintres de Barbizon ont lutté pour obtenir la première mesure de protection d’un espace naturel au monde : la forêt de Fontainebleau dès 1861, soit onze ans avant Yellowstone aux États-Unis. À la même époque, Michelet édicte les règles d’un Droit de la mer pour lutter contre la surpêche. Et Victor Hugo, par un intense travail de lobbying auprès des parlementaires, arrache en 1850 les premières lois sur la protection animale.


« Pour convaincre, parlons au cœur, stimulons nos imaginaires. »


L’écologie doit parler à notre histoire et à nos valeurs collectives, pour créer des outils de compréhension et d’adhésion au-delà des plus convaincus. En l’état, son discours essentiellement scientifique ou politique peine à convaincre la société civile dans son ensemble. Elle doit s’adresser au ferment de notre culture commune pour nous rassembler, se présenter à nous sous des traits familiers, et nous donner envie de nous engager et de « faire société ». L’écologie s’adressera alors à ceux qui, lassés d’arguments répétés en boucle, attendent un autre langage.


L’écologie politique se concentre sur un discours de contraintes, plutôt que de faire appel à la sensibilité, à l’affect et au rêve. Elle donne l’illusion que l’écologie vient en rupture, comme une injonction à changer tout de suite et d’un coup notre quotidien, alors qu’elle est au contraire une permanence, dont nous sommes les héritiers. Pour convaincre, parlons au cœur, stimulons nos imaginaires.



POUR UNE ÉCOLOGIE ENRACINÉE


Nous avons été peu à peu dessaisis de la partie de notre culture qui nous reliait au milieu, par l’urbanisation, la mondialisation et l’essor d’environnements artificiels. L’écologie culturelle est aussi un appel à redécouvrir intimement nos territoires : les milieux sont des espaces de transmission entre les générations. La redécouverte d’un territoire, ses ressources, son identité et les émotions qu’il suscite sont des liens aussi essentiels que les rapports du Giec.


« La hauteur de la cime d’un arbre est proportionnelle à la profondeur de ses racines. »


L’écologie finit face à une globalisation des enjeux par devenir hors-sol, alors que la terre est sa préoccupation première. Nombreux sont pourtant celles et ceux à la recherche d’un récit inspirant, qui ne se résume pas aux clivages, au repli sur soi ou au désespoir. À l’heure où certains ne promettent qu’une chose : sauver les meubles, ceux de l’économie ou ceux de la planète, une ambition écologique est possible, une ambition qui vise à lier prospérité écologique et économique. L’écologie doit passer de l’adolescence à la maturité, assumer son histoire, et réunir au-delà de son cercle habituel. Car la hauteur de la cime d’un arbre est proportionnelle à la profondeur de ses racines.



Par Nicolas Escach, Pierre Gilbert et Patrick Scheyder


Tribune Marianne

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