
La rage de la possession individuelle doit avoir certaines limites que la nature a tracées. L’atmosphère doit-elle être partagée, vendue par ceux qui ont les moyens de l’acheter ? Voyez-vous chaque propriétaire balayant son coin de ciel, entassant les nuages chez son voisin ?
George Sand - Tribune pour la défense de la forêt de Fontainebleau, Journal Le Temps
Cet extrait est d’une actualité troublante, à l’heure où les partisans de la géo-ingénierie (modifier artificiellement le climat grâce à des technologies) sont très actifs auprès des gouvernements.
Soutenu principalement par l’industrie pétrolière, charbonnière, gazière et quelques acteurs de la silicone Valley, la Captation directe du carbone est une chimère technologique – aucune expérience ne montre que cela fonctionne ! – qui vise à faire perdre du temps « business as usual », plutôt que de décarboner rapidement toutes nos activités. « On trouvera bien une technologie pour compenser ! »
George Sand soulève également l’idée que l’atmosphère est un bien commun de l’humanité qui ne serait être le lieu d’une guerre ou d’un marché.
Le déploiement de la géo-ingénierie pose des problèmes géopolitiques : à qui appartiennent les nuages qui passent au-dessus d’un pays, par exemple, puisqu’on sait désormais les transformer en pluie en envoyant des aérosols dedans ? La Chine a-t-elle le droit d’intercepter un nuage de mousson qui aurait normalement dû finir sa course en Inde ?
L’atmosphère doit-elle être partagée, vendue par ceux qui ont les moyens de l’acheter ? Nous rappelle étrangement le débat sur la compensation carbone : est-il efficace pour le climat de pouvoir acheter et vendre des « crédits carbone » ? Ou bien doit-on fixer directement des limites d’émissions non-compensables aux entreprises pour les contraindre à faire des efforts ? Dans la Silicone Valley, on développe déjà des technologies de captation du CO2 pour pouvoir vendre de la compensation à des entreprises ou des États.
Par ailleurs, si l’air pur n’appartient à personne, peut-on dire qu’il est privatisé quand une entreprise le pollue ? Une question qui peut intéresser les juristes de l’environnement.
Biographie express
George Sand (1804-1876) a une double ascendance, populaire et aristocratique. Sa mère est la fille d’un oiseleur – un chasseur de petits oiseaux - et son père est militaire. Sa grand-mère l’élève loin de Paris, dans la propriété de Nohant au cœur du Berry. Dès son enfance elle est éduquée dans les principes naturalistes de Jean-Jacques Rousseau. Elle se passionne plus tard pour la botanique, les minéraux, les papillons, les fossiles. Sa célébrité d’écrivain ne l’empêche pas de garder un lien solide avec le Berry. Nohant sera son refuge, et après la révolution de 1848, elle y vit en permanence. Très instruite des dernières avancées de la science, par ailleurs socialiste et républicaine, Sand cherche à associer la justice sociale à une harmonie retrouvée entre l’humain et la nature.
Patrick Scheyder