
Dans un débat, si votre argument contient une petite erreur technique ou logique, même si cela n’est pas très important pour le fond du message, alors l’entièreté de la proposition défendue est considérée comme fausse par votre interlocuteur.
Un biais très courant en politique, sur les réseaux sociaux et a fortiori chez nos amis ingénieurs lorsqu’ils parlent d’énergie ou de climat par exemple. En effet, ces derniers ont été formés pendant de nombreuses années à tenter de simplifier la complexité du réel à travers des équations, renforçant leurs capacités analytiques (on vérifie la cohérence point par point en découpant un problème) au détriment de leurs capacités synthétiques (vision globale). Ils ont donc tendance à traduire la réalité en « sophismes ». Exemple de sophisme : Un fainéant ne travaille pas, un chômeur ne travaille pas, donc un chômeur est un fainéant.
C’est pourquoi, quand bien même vous avez raison sur le sens de votre propos, certaines personnes seront incapables de le voir, car bloquées par un tout petit détail qui va les faire réagir. C’est ce qui explique principalement que les profils techniciens (analytiques) et les profils créatifs (synthétiques) ont du mal à dialoguer ensemble, alors que nous avons besoin d’articuler ces différents types d’intelligences pour imaginer et construire une société écologique.
Pour ce genre de personnalités, c’est la rigueur analytique qui est valorisée, qui étalonne la justesse du propos, le « bien ». Ils doivent néanmoins prendre du recul et considérer plutôt le fond du message de l’autre, quand bien même la culture française valorise traditionnellement l’intelligence analytique (la glorification du « matheux », détenteur d’une forme de savoir magique pour ceux qui n’aimaient pas les maths à l’école) et leur apprend à utiliser le biais d’autorité. Quand vous êtes confronté à un biais sophistique, dévoilez-le et recentrez le débat sur le fond de votre propos.
Pierre Gilbert